J'avais jamais pris conscience de ça mais à chaque fois qu'il m'arrive un truc négatif, mon réflexe, c'est de me dire que c'est de ma faute. Parce que j'ai zéro confiance dans les autres et je pense ne pouvoir compter que sur moi-même et donc, c'est à moi de me protéger et d'éviter ces situations.
Quand j'y pense, c'est assez dangereux, en fait. Si je subissais une vraie agression, je suis sûre que je me dirais que c'est de ma faute de pas avoir su l'éviter, on en est là...
En même temps j'ai l'impression d'avoir aucune action sur les autres, c'est une impuissance totale... et que les autres sont par nature agressifs, violents. Je trouve ça extrêmement triste de penser que les inconnus vont me faire du mal... jusqu'à ce que j'arrive à discerner que ça va pas être le cas. Du coup je suis sur la défensive à chaque rencontre. [Quand je pense au fait que j'ai peur d'aller chez le médecin parce que j'ai peur qu'on me dise que c'est de ma faute si je suis malade, je sais qu'il y a un problème...]
Ne pouvoir compter que sur soi et essayer de tout prévoir (pour tout prévenir) c'est une charge mentale infernale. Mais même quand je me dis que je suis trop fragile et trop sensible, je me culpabilise, c'est dingue ! (En même temps on m'a dit qu'il fallait que je m'endurcisse, parce que mon émotivité est impossible. C'était un conseil purement pragmatique, je pense, mais comme je ne le suis pas, je me dis seulement que j'ai zéro envie de vivre dans une société où le problème c'est ma sensibilité et pas ceux qui la violent.) Et c'est dur, aussi, d'accepter d'avoir été traumatisée pour quelque chose qui paraît "presque rien", surtout quand on sait qu'il y a tellement pire...

Et d'un autre côté, dans le même esprit, ça m'arrive fréquemment, quand je suis avec d'autres gens, de faire des choses que je ne veux pas faire... parce que je me dis que ça leur fait plaisir et que "ça ne me dérange pas". En vérité, cette passivité (ne pas exprimer son désir) ou ce renoncement, a quelque chose du sacrifice et ça mine les relations sociales... Ces consentements n'en sont pas. Puisqu'on se force soi-même à se plier au désir d'un tiers.
Mais là encore, je me dis qu'il y a un problème dans le fait de ne pas se sentir assez à l'aise pour exprimer son désir. Et là encore, je sais pas dans quelle mesure c'est de ma faute (de ne pas m'exprimer) ou celle des autres (mais là aussi je ne sais pas s'ils ne peuvent effectivement pas deviner ou s'ils auraient pu faire attention et voir les réticences ou si, au moins, ils devraient être responsables des conséquences qui, elles, en général, sont exprimées).
[J'ai eu une relation qui a fini dans la violence, en grande partie à cause des ressentiments nés de cette dynamique. ça m'a rendu folle qu'elle refuse de s'excuser sous prétexte qu'elle n'avait jamais voulu me faire de mal et qu'elle ne pouvait pas deviner... oui, évidemment, j'aurais dû m'exprimer mais...]
Du coup j'ai tendance à éviter toutes ces situations, toutes ces relations. Je souffre de cette solitude - mais c'est toujours moins pire, bien moins pire que d'être traumatisée. Et je rêve de vivre au milieu des arbres - parce que les végétaux ne m'ont jamais forcée à quoi que ce soit... même sans me vouloir de mal.