J'ai l'impression qu'il n'y a aucune "continuité" dans ma propre perception de moi-même. Quand je retombe sur des choses que j'ai pu dire auparavant, souvent je n'en avais aucun souvenir, aucune conscience (bref, je tombe constamment des nues en "découvrant" que j'avais déjà pensé telle chose sous une forme un peu différente, quand je constate des répétitions, des schémas...) Je peine à faire le lien entre ce que j'écrivais et ce que je suis à l'instant présent. C'est comme... l'autre moi (?), une personne lointaine que j'ai connue, oui, je le sais mais... comme un rêve qui s'efface où tout est flou.
Je "fais de la littérature" en répétant que je me tue métaphoriquement sans cesse, que j'ai besoin de renaître après avoir été au bout, à bout (de moi, du réel, des sensations). Je dis : blackout total, éblouissement, renaissance pure (rien avait n'a été). En "littérature". Mais c'est comme cette inconsistante réelle, dans ma vie. Blackout total et puis il y a cet autre, là, qui fut... moi. Amnésie.
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"Pyromanie" aussi dans mes intérêts, mes opinions. Je fous tout par terre (mort métaphorique), je vais sur l'autre rive. Une telle distance entre moi et ce que j'étais avant : non, impossible de me reconnaître. Mes goûts littéraires, par exemple. Cette instabilité incompréhensible. Mais me mettre à détester tout ce que j'adorais, et inversement : c'est tout moi. Et profiter d'une crise quelconque pour passer de l'autre côté. Oui, Mallarmé par exemple. Que des idées dont je raffolais avant, je le sais (et mon amour passager pour Valéry). Et puis, du jour au lendemain, à cracher sur lui. (Toujours dans l'excès). Et du jour au lendemain sans pouvoir me souvenir véritablement que je pensais différemment, comme si ma haine avait toujours été. Moi non plus je ne me suis pas.
C'est pire encore, sachant que mes opinions sont viscérales - dans l'émotion pure (oui à fleur de peau). Je me déroute...
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Bref : j'ai tant et tant à écrire (quelle joie !) et si j'ai arrêté c'était selon ce type de revirement. Je vivais de manière poétique, et je ne l'ai plus supporté (et le réel était plat). Et maintenant je suis écartelée entre ces deux états : cette poétisation qui me paraît si artificielle mais belle (et la seule vie où je me 'reconnais') et la réalité, exigeante, violente (que l'on peut exprimer, aussi, différemment), présente, toujours, toujours.