« En ce temps-là, on chantait encore, on fredonnait dans la rue, partout. On sifflotait, c’était joyeux. Il y a longtemps que je n’ai plus entendu un « ouvrier du bâtiment » siffler. Il est vrai que les échafaudages sont de plus en plus hauts, les éventuels sifflets couverts par le bruit des villes. Comme c’était bien les chanteurs des rues, avec leur porte-voix ! Tout le monde alentour reprenait en chœur et les vieux porte-monnaie de cuir s’ouvraient pour acheter des partitions ornées des stars de l’époque. Ça bougeait, ça guinchait, ça dégingandait, ça chaloupait, ça énamourait, ça déclamait férocement, ça peinturlurait l’hôpital, ça racontait l’amour d’une mère, le corps chaud d’un homme, les roses du dimanche, les hanches des filles, les hommes à rouflaquettes ou en haut-de-forme, chaussés de leurs vernis à guêtres, ça politiquait ferme, c’était la criée du quotidien, le journal de pas d’heure en plein air. »
- Barbara | Il était un piano noir...