"C'est un changement fondamental. Dans ce monde déchristianisé et « désenchanté », le citoyen ne vit plus pour quelqu'un ou quelque chose (le roi, Dieu, la cité, etc.), mais pour lui-même. Son existence, et par conséquence sa préservation, deviennent le but ultime, le grand projet vers lequel toute institution doit tendre. La seule grande valeur qui nous reste est la protection de la vie humaine.
Le physicien Étienne Klein remarque avec malice : « Regardez ce qui est écrit sur les paquets de cigarettes : si au XVIIIe siècle, on avait voulu lancer une campagne antitabac, on n'aurait pas mis « fumer tue » mais « fumer compromet le salut de votre âme » ou « fumer déplaît à Dieu » ! Le salut de l'âme, objet par excellence du discours théologique, s'est donc peu à peu effacé au profit de la santé du corps qui, elle, est l'objet de préoccupations scientifiques. »
Comment se traduit concrètement cette valeur ? Elle prend la forme de l'injonction à la sécurité ; du dogme selon lequel il est important de vivre le plus longtemps possible sans que la question du sens de la vie soit jamais posée. On ne saurait facilement remettre en cause le seul principe fort sur lequel sa société est bien bâtie ; rien d'étonnant alors à ce que cette question paraisse aujourd'hui presque déplacée, inconvenante. Cette demande permanente de sécurité est l'avatar principal de cette vision moderne du monde. Au nom de cette sécurité, on légitime de facto toutes les entraves à la liberté. Cette volonté de protection de la vie prend la forme d'une volonté délirante de suppression totale du risque, alors que celui-ci faisait jusque-là partie intégrante de l'existence." Et si nous devenions immortels ?, Dr Laurent Alexandre