"La première étape de la mort de la mort est la victoire de l'idéologie transhumaniste, qui a convaincu l'opinion que la mort n'est plus inévitable et a permis le démarrage du projet technologique pour la retarder. Le président Macron a même assuré la promotion du livre de Yuval Noah Harari, "Homo Deus", depuis l'Elysée. La deuxième étape a commencé quand Google a créé Calico, qui vise à allonger la durée de vie humaine. Cette filiale de Google compte explorer des voies technologiques innovantes pour retarder puis "tuer" la mort. L'ingénierie du vivant -cellules souches, organes artificiels-, puis la manipulation de la télomérase -une enzyme qui prévient l'usure des chromosomes- ainsi que la modification de la composition du sérum accéléreront sans doute le recul de la mort. Plus transgressive encore, la troisième étape: dépasser significativement les limites actuelles de l'espérance de vie humaine -l'âge atteint par Jeanne Calment (122 ans, 5 mois et 14 jours) semble être un mur biologique- suppose de modifier profondément notre nature par des interventions technologiques lourdes. Les généticiens sont sur le point de franchir une étape troublante qui ouvre la perspective d'une redéfinition de l'humanité. George Church est un brillant généticien transhumaniste d'Harvard. Il a révélé, avec 24 chercheurs et industriels, dans la revue Science, le "Genome Project-Write", qui vise à créer tabula rasa un génome humain entièrement nouveau. Cette technique permettrait la fabrication de bébés sans aucun parent, ce qui a ému de nombreux théologiens, même si cette perspective n'est pas un objectif immédiat de Church. Il ne s'agirait plus de concevoir des "bébés à la carte", mais de créer une nouvelle humanité. La quatrième étape serait de maintenir notre cerveau durablement plastique, ce qui suppose une réingénierie transgressive. A quoi bon vivre plusieurs siècles avec un cerveau sclérosé? La cinquième étape pour euthanasier la mort serait l'abandon de notre corps physique. Teilhard de Chardin a introduit en 1922 le terme de "noosphère" pour désigner la fusion des esprits, et donc la disparition de la conscience individuelle. Nous accepterions de devenir des intelligences dématérialisées immortelles mais sans corps physique en fusionnant avec des intelligences artificielles (IA). Sixième et dernière étape de la mort de la mort: empêcher la mort de l'univers! Comment pourrait-on être vraiment éternel dans un univers qui aura une fin? La mort du cosmos est l'ultime frontière du genre humain. Le destin de notre univers est apocalyptique: les six scénarios modélisés par les astrophysiciens conduisent tous à la mort de l'univers, et donc à la disparition de tout témoignage de notre existence. Charles Darwin remarquait, il y a cent cinquante ans, que l'aventure humaine n'aurait pas de sens si l'univers devait un jour disparaître, ce qui effacerait toute trace du génie de l'Homme. Le philosophe français Clément Vidal explique dans "The Beginning and the End", que le but ultime de la science est de combattre la mort de l'univers par la création artificielle de nouveaux mondes. Pour les transhumanistes, il est rationnel, et non d'une vanité ultime, de rendre l'univers immortel afin d'assurer notre propre immortalité. La peur de la mort des géants du numérique n'est conjurée que dans la foi dans les NBIC et l'IA, censées accélérer la mort de la mort. Pour moins souffrir, moins vieillir et moins mourir, les transhumanistes sont prêts à confier les clefs de notre avenir à des IA peut-être hostiles demain. Il serait pourtant plus sage d'accepter de mourir le temps d'organiser notre cohabitation avec l'IA." Et si nous devenions immortels ?, Dr Laurent Alexandre