"En général, voici comment les choses se déroulent. L'enseignant est debout devant sa classe et pose une question. Six à dix élèves s'agitent sur leurs sièges et lèvent le doigt pour attirer l'attention du professeur, pressés d'être interrogés, ce qui leur donnera l'occasion de montrer leur science. Plusieurs autres restent tranquilles, les yeux baissés, s'efforçant de devenir invisibles. Lorsque l'enseignant interroge un élève, on voit la déception et le désarroi se peindre sur le visage des premiers, qui perdent l'occasion d'être approuvés par l'enseignant ; et le soulagement sur le visage des seconds, qui ne connaissent pas la réponse... Ce jeu se fait dans une compétition féroce, et l'enjeu est très élevé, car les enfants y jouent l'estime de l'une des deux ou trois personnes qui comptent dans leur vie. De plus, avec cette méthode d'enseignement, on est sûr que les enfants n'apprennent pas à s'apprécier et se comprendre entre eux. Rappelez-vous vos propres souvenirs. Si vous connaissiez la réponse et que l'enseignant ait interrogé un autre élève, vous espériez probablement que celui-ci se trompe, pour vous permettre de montrer vos propres connaissances. Si vous étiez interrogé et ne saviez pas répondre correctement, ou si vous ne leviez même pas le doigt pour prendre part à la compétition, vous éprouviez de l'envie et même de la rancune envers vos camarades qui connaissaient la réponse. Les enfants qui subissent l'échec dans ce système deviennent jaloux des succès des autres qu'ils attribuent au favoritisme de l'enseignant, ou même, qu'ils compensent par des brutalités dans la cour de récréation. Les bons élèves, pour leur part, méprisent souvent les mauvais, qu'ils jugent bêtes. Ce processus de compétition n'encourage pas les enfants à voir leurs camarades d'un œil amical et bienveillant." Influence et Manipulation, Robert Cialdini