"Nous rencontrerons toujours des individus authentiquement généreux, aussi bien que des gens qui s'efforceront de faire jouer honnêtement la réciprocité, sans chercher à exploiter leur partenaire. Ces personnes se sentiront sans aucun doute insultées si l'on repousse toutes leurs tentatives. Il pourrait bien en résulter des tensions, et un isolement néfaste. Une politique de refus généralisé ne semble donc pas à conseiller.
Une autre solution semble plus viable. Il suffit d'accepter les offres initiales qui nous sont faites quand elles sont avantageuses, mais de ne les accepter que pour ce qu'elles sont, non pour ce qu'elles prétendent être. Si quelqu'un nous fait une faveur, par exemple, nous pouvons accepter en sachant que nous nous obligeons à rendre la pareille à l'occasion. S'engager dans cette sorte de pacte avec une autre personne ne signifie pas pour autant se faire exploiter par elle sous couvert de réciprocité. Bien au contraire : c'est participer honorablement au réseau d'obligations mutuelles qui nous a si bien servi, à tous et à chacun, depuis les origines de l'humanité. Cependant, si la faveur initiale s'avère n'être qu'un stratagème, une ruse, un artifice destiné tout spécialement à nous faire consentir une faveur plus grande encore, la situation n'est plus la même. Notre partenaire n'est plus un partenaire honnête, c'est un profiteur. Et c'est là que nous devons répondre à cette action précisément dans les mêmes termes. Lorsque nous sommes sûrs que l'offre initiale n'était pas un geste authentique, mais une tactique de persuasion, il nous suffit de réagir en conséquence pour nous libérer de son influence. A partir du moment où nous redéfinissons l'attitude de notre partenaire et où nous la considérons comme un moyen de persuasion, le principe de réciprocité ne joue plus contre nous : la règle dit en effet qu'il faut répondre à un présent par un autre présent ; elle ne dit pas qu'il faille aussi répondre par un présent à un geste calculé." Influence et manipulation, Robert Cialdini