"Que penser du débat « dualisme versus monisme » ? L'esprit est-il distinct de la matière ou n'en est-il qu'une manifestation ? Chacune des deux positions rencontre des difficultés certaines qui sont loin d'être résolues ;
Du côté du dualisme cartésien, l'idée que la glande pinéale puisse être le point de contact entre l'esprit et le corps a été démentie depuis longtemps par la neurobiologie. Le problème fondamental du dualisme est d'identifier cet esprit, cette entité distincte qui contemple de l'intérieur le théâtre de la réalité extérieure - ce « fantôme dans la machine », comme l'ont désignée par dérision les opposants au dualisme. A supposer que ce fantôme existe, une entité immatérielle pourrait-elle agir sur le comportement d'un corps matériel ? Voilà qui semble entrer en contradiction avec le principe de conservation de l'énergie, l'un des sacro-saints principes de la physique qui dit que l'énergie totale d'un système ne peut se créer ni se perdre. Certains partisans du dualisme, tel le neurobiologiste australien John Eccles, font appel à l'incertitude quantique qui permet de violer le principe de conservation de l'énergie pendant un très bref instant, mais le rôle de la mécanique quantique dans le fonctionnement du cerveau est encore très mal compris.
D'autre part, la dualité cartésienne entre l'observateur et l'acteur, entre le « moi » et la réalité externe, entre les mondes intérieur et extérieur, est fondée sur l'illusion que le monde extérieur a une réalité objective totalement indépendante de l'observateur. Or si, à l'échelle de la vie quotidienne, nous pouvons approximativement considérer le monde comme s'il existait une séparation entre observateur et objet, nous savons que tel n'est pas le cas au niveau atomique et subatomique. A ce niveau, la mécanique quantique nous apprend que cette division est factice : l'observateur participe de la réalité observée, l'influence et est interdépendant avec elle. Ainsi, une particule élémentaire revêt son habit d'onde et peut être partout à la fois dans l'espace quand on ne l'observe pas, mais redevient une particule sitôt qu'on l'observe. Le fait même d'observer modifie la réalité extérieur." « Une fantôme dans la machine ? » (Chapitre 6 : Origine de la conscience), Origines : La Nostalgie des commencements, Trinh Xuan Thuan