"Le savoir scientifique ne nous dit pas comment alléger nos souffrances et celles d’autrui. Il est incapable de nous indiquer comment mener notre vie. Il ne nous aide pas à prendre des décisions morales et éthiques. La science n’engendre pas directement la sagesse. Mais je pense qu’elle peut être source d’inspiration pour nous permettre de regarder le monde autrement et d’agir de manière plus juste. Le grand récit unitaire des sciences, tel que rapporté ici, s’il pouvait être diffusé aux hommes de bonne volonté du monde entier, contribuerait sans doute à les rapprocher, puis à les réunir.
Savoir que nous sommes tous des poussières d’étoiles, que nous partageons la même histoire cosmique avec les gazelles des savanes et les roses parfumées, que nous sommes tous connectés à travers l’espace et le temps, développerait notre sentiment d’interdépendance avec les autres. Ce sentiment engendrerait à son tour celui de compassion, car nous nous rendrions compte que le mur que notre esprit a dressé entre «moi» et «autrui» est illusoire, et que notre bonheur dépend de celui des autres. La perspective cosmique et planétaire que nous offre la magnifique fresque ici reconstituée souligne aussi la vulnérabilité de notre planète et notre isolement parmi les étoiles. Elle nous fait prendre conscience que les problèmes de l’environnement qui menacent notre havre, dans l’immensité cosmique, transcendent les barrières de race, de culture et de religion. Les poisons industriels, les déchets radioactifs, les gaz responsables de l’effet de serre ne connaissent pas les frontières nationales.
La diffusion de ce magnifique «tronc commun» du savoir susciterait une mondialisation non pas agressive - celle d’un peuple puissant exploitant économiquement et militairement d’autres peuples plus démunis -, mais pacifique. La mondialisation économique qui a fait que le monde entier est interconnecté par un réseau de communications de plus en plus performant devrait favoriser une telle globalisation du savoir scientifique. Ce processus pacifique devrait permettre aux citoyens du monde entier de partager un horizon commun. Il tracerait un trait d’union et nouerait un dialogue entre les hommes des cultures les plus diverses. Il développerait en nous le sens d’une responsabilité universelle, et nous encouragerait à conjoindre nos efforts pour résoudre les problèmes de la pauvreté, de la famine, de la maladie, entre autres fléaux qui menacent l’humanité. Il aboutirait à un humanisme universel qui favoriserait l’avancée de la paix dans le monde." «Interdépendance et compassion», (Chapitre 7 : Quel futur ?), Origines : La Nostalgie des commencements, Trinh Xuan Thuan