"Que signifient les idéaux ascétiques ?
Chez les artistes, rien, ou trop de choses différentes ; chez les philosophes et les savants, quelque chose comme du flair et de l'instinct pour les conditions préalables les plus favorables à la haute spiritualité ; chez les femmes, au mieux, un surplus de charme s'ajoutant à leur séduction, un peu de morbidezza [délicatesse, douceur] sur de la belle chair, le côté angélique d'une jolie bête pulpeuse ; chez ceux qui sont physiologiquement accidentés et aigris (chez la majorité des mortels) une tentative de se présenter à leurs yeux comme «trop bons» pour ce monde, une forme sainte de débauche, leur arme fondamentale dans le combat contre la lente douleur et l'ennui ; chez les prêtres, l'authentique croyance de prêtre, leur meilleur instrument de puissance, et aussi la «suprême» autorisation d'accès à la puissance ; chez les saints, enfin, un prétexte à l'hibernation, leur novisama gloriae cupido [le tout dernier désir de gloire], leur repos dans le néant («Dieu»), leur forme de démence.
Mais quant au fait que de manière général l'idéal ascétique ait tant signifié pour l'homme, cela exprime le fait fondamental de la volonté humaine, son horror vacui [horreur du vide] : elle a besoin d'un but, - et elle préfère encore vouloir le néant plutôt que ne pas vouloir. " Troisième traité, La Généalogie de la morale, Nietzsche