"L'usage d'un mot apparemment anodin, le "don", peut, lorsqu'il concerne l'activité intellectuelle, conduire à un non-sens. Ce danger est mis en évidence par l'emploi d'un terme qui en est dérivé, "surdoué". Ce véritable piège du vocabulaire n'est qu'un cas particulier du problème si souvent évoqué de l'inné et de l'acquis. Il s'agit de déterminer la part, dans la manifestation d'une performance quelconque, de ce que nous avons reçu de la nature, l'inné, et de ce que nous a apporté notre aventure vécue, l'acquis. La question semble pertinente mais, telle que je viens de le formuler, la recherche d'une réponse est déjà orientée dans une mauvaise direction J'ai en effet parlé de "parts", ce qui fait surgir dans notre esprit l'équivalent d'un gâteau que l'on partage. Évoquer des parts revient à admettre que les deux séries de facteurs qui interviennent ajoutent leurs actions, comme si les effets de l'aventure vécue venaient s'ajouter aux effets des dons initiaux. Or ce modèle additif est très loin de correspondre à la réalité : ces facteurs ne s'additionnent pas, ils interagissent. Tel apport de l'environnement peut être favorable ou défavorable selon la dotation initiale de l'individu." Tentatives de lucidité, Albert Jacquard