"Le changement évolutionnel est considéré comme étant "progressif" quand il est dans la direction d'une indépendance croissante par rapport au milieu, et d'une plus grande maîtrise à son égard. Jugée d'après ce critère, l'histoire de la vie sur notre planète n'a nullement été uniformément "progressive". Des formes primitives ont survécu, presque sans modification, depuis l'aube de cette histoire jusqu'à l'époque actuelle. L'homme est le contemporain d'organismes unicellulaires, qui, bien qu'ils dépendent à peu près totalement du milieu, peuvent fort bien survivre à leurs rivaux plus "progressifs". En outre, bien des organismes ont subi des changements "progressifs" durant une longue période de temps, simplement pour régresser vers une forme nouvelle et spécialisée de dépendance à l'égard du milieu, à titre de parasites de formes plus avancés. Et enfin, même les espèces qui se sont modifiées de la façon la plus "progressive" sont toutes, à l'époque présente, à l'extrémité d'impasses évolutionnelles, condamnées par leur haut degré de spécialisation, soit à demeurer  ce qu'elles sont, soit, si elles subissent une série de mutations considérables, à dépérir en raison de leur incapacité à s'adapter, sous leurs formes modifiées, au milieu. Il y a de bonnes raisons de supposer que tous les animaux supérieurs existants sont des fossiles vivants, prédestinés à la survie  sans grandes modifications, ou, s'ils intervient des modifications, à l'extinction. L'espèce humaine mise à part, il semble que le progrès évolutionnel soit à bout de course." Les portes de la perception, Aldous Huxley