Ce soir, je ressens le besoin oppressant d'écrire. Pendant quelques années, j'ai arrêté de vomir des mots comme j'en avais l'habitude. Mais j'ai la certitude que je dois décrire ce que je vois, ce que je perçois avant qu'il ne soit trop tard. Aujourd'hui a été une journée comme toutes les autres. Le midi on a regardé la télé en mangeant sans avoir rien à se dire. L'après-midi, j'ai été dans ma chambre et j'ai dormi. Le temps passe tellement vite quand on dort. On pense plus à rien, c'est fabuleux. Ensuite, j'ai traîné sur mon portable, sans pour autant m'intéresser vraiment à ce qui se déroulait sous mes yeux, derrière le clavier. J'ai survolé des œuvres de Chirico, j'ai écouté un peu les Arcade Fire avant d'aller m'avachir sur le canapé dans une couverture. Le soir, on est allés au resto, et j'avais même pas remarqué que Pauline était dans la même salle que moi. Je la connais pas mais je la trouve jolie. Ça m'a gênée et fait piquer un fard. À onze heures on était la dernière table et on est allés payés, on est partis. On s'est promenés dans la ville sous les lampadaires et les jets d'eau illuminés jetaient des éclairs verts et rose dans mes yeux. J'ai vu des couples assis sur les bancs, ils avaient l'air heureux. Des filles avec des filles, des gars avec des gars, des filles avec des gars, puis je me revois : moi, je suis toute seule. J'ai ni fille ni gars sur qui je peux poser ma tête sur un banc, parce que moi, je suis bancale, je suis un peu fêlée, au fond. C'est peut-être pour ça que je veux pas d'engagement, pas de promesse mais que paradoxalement je rêve de lettres manuscrites débordant d'amour et de fleurs odorantes pour la Saint-Valentin. Et ce mal de tête qui va finir par me lacérer.